La Comté : A la recherche des Hobbits et autres créatures...
Durant les deux années à venir, des biologistes de nationalités et d’horizons très variés, rassemblés dans un programme collectif intitulé IBISCA-Auvergne 63, ausculteront la Forêt de la Comté pour en étudier la diversité végétale et animale, du sol à la cime des arbres. Chercheurs confirmés ou amateurs reconnus, spécialistes d’un groupe très précis ou biologistes plus généralistes, ces curieux d’insectes et d’araignées, de mollusques, de reptiles, de batraciens et de micromammifères, de mousses et de lichens, voir de vers et d’organismes microscopiques, se succéderont pour identifier, répertorier, analyser leurs sujets d’étude préférés sur des placettes forestières choisies comme représentatives de la forêt étudiée. Ils utiliseront la plupart des techniques connues de collecte et d’inventaire, qu’elles s’appliquent au sol, à la litière, aux troncs des arbres, au sous-bois, ou bien encore aux branches et à leur feuillage, y compris aux plus hautes d’entre elles qui forment ce qu’on appelle la canopée, cet ensemble formé par les cimes contiguës des arbres.
Mené à son terme, le travail des chercheurs d’IBISCA permettra de faire un état des lieux de la biodiversité d’une forêt tempérée d’Europe à une échelle jamais égalée, avec des moyens humains et techniques qui, à ce jour, n’ont été mis en œuvre que sous les latitudes tropicales. Il permettra de montrer que le vivant, s’il n’atteint pas sous nos latitudes le degré de foisonnement des tropiques, s’exprime néanmoins de façon incroyablement diversifiée. Les habitants de l’Auvergne et du Puy-de-Dôme ignorent sans doute à quel point « la biodiversité c’est aussi près de chez nous » : les chercheurs qui viendront du monde entier pour se pencher sur une forêt située à quelques dizaines de kilomètres de Clermont-Ferrand viendront aussi le leur rappeler.
Au cours de la première phase principale d’IBISCA-Auvergne 63, qui va se dérouler en juin 2008, c’est une trentaine de scientifiques venus d’une douzaine de pays qui seront présents sur le site de la Forêt de la Comté. Logés dans un « camp de base » bâtit sur le site du château de La Chaux Montgros (commune de Sallèdes), ils seront appuyés par un groupe d’amateurs enthousiastes et compétents appartenant au tissus associatif et naturaliste local et par une équipe technique (grimpeurs, aéronautes..) rodée à ce genre de mission.
À cette occasion, les participants à IBISCA-Auvergne 63 disposeront de la « Bulle des cimes » qui leur permettra d’accéder à un parcours en canopée, où ils pourront prélever leurs échantillons préférés. C’est aussi à cette période que l’ « Arboglisseur », le dernier-né des engins volants de la famille du « Radeau des cimes », fera ses vols de mise au point. Ce plus léger que l’air, conçu sur le modèle de la « rozière » (système mixte hélium et air chaud) permettant, outre le pilote, d’embarquer deux passagers et leur matériel scientifique.
Au cours du printemps 2008, le travail de terrain d'IBISCA-Auvergne 63 se déroulera essentiellement sur vingt sites, localisés sur cinq types forestiers bien contrastés de la Forêt de la Comté, incluant la chênai
e-charmaie, des forêts de ravin humides ou exposées au sud et également des plantations de résineux.
L’équipe constituée autour du « Radeau des cimes » organise depuis vingt ans des expéditions scientifiques à destination des forêts tropicales, pour y étudier la flore et la faune. Leur originalité consiste à mettre en action des engins uniques au monde (aux noms évocateurs de « Radeau des cimes», « Luge des cimes », « Bulle des cimes » ou plus récemment d’ « Arboglisseur »), conçus pour travailler au niveau de la canopée (la cime des arbres). Ces missions qui ont permis d’accroître de façon notable nos connaissances sur cet environnement très particulier ont toujours été le support d’actions de communication grand public, à l’échelle mondiale, sur les forêts tropicales et sur les dangers qui les menacent.
Toute politique de conservation d’un milieu naturel requiert une compréhension de son fonctionnement et a minima l’inventaire des espèces présentes. Les spécialistes de la biodiversité tropicale sont confrontés à un véritable défi, à une tâche colossale qui nécessite une approche et des moyens en proportion. C’est dans ce contexte qu’en 2003, l’équipe du « Radeau des cimes », nouvellement animée sur le plan scientifique par Bruno Corbara, enseignant-chercheur à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, a initié avec l'ONG Pro Natura International, un programme baptisé IBISCA (Inventaire de la BIodiversité du Sol à la CAnopée). Ce programme, imaginé par Yves Basset du Smithsonian Tropical Research Institute, Bruno Corbara de l'Université Blaise Pascal et Hector Barrios de l'Université du Panama, s'est déroulé sur 2 ans dans la forêt de San Lorenzo au Panama.
L’originalité d’IBISCA repose sur un effort massif de collecte (plantes, insectes…) impliquant une équipe internationale de chercheurs, sur la mise en commun des données et leur exploitation coordonnée et sur une restitution rapide des résultats.
Dans la lignée de l’aventure panaméenne, d'autres projets IBISCA ont suivi, en 2006/2007 en Australie et en 2006 au Vanuatu.
La Forêt de la Comté d'Auvergne est la quatrième destination du Programme IBISCA qui, à cette occasion et pour la première fois, se déroule en zone tempérée.